Depuis 2022, l’Alliance Française de Medellín s’inscrit dans une nouvelle dynamique en faveur de l’environnement. Pour la première fois, elle accueille un poste en service civique dédié au thème de l’écoresponsabilité pour une durée d’un an. L’objectif : renforcer la conscience environnementale au sein de l’Alliance. Différents projets ont émergé et chacun d’entre eux a été pensé avec une dimension RSO (Responsabilité Sociétale des Organisations). En effet, dans le cadre de cette nouvelle mission, l’Alliance Française de Medellín a pu participer notamment à une formation aux principes fondamentaux de la RSO animée par Claire Chaduc, fondatrice de l’agence Alterculture, spécialisée dans le conseil en RSO orienté vers le secteur culturel (cf. Fil d’Alliances N°59- janvier 2023 – P. 15).
Le projet déclencheur de cette démarche et de ce nouvel engagement a été la mise en place d’un jardin permacole sur le toit du bâtiment du siège de l’Alliance Française du centre-ville. L’idée a émergé lors des candidatures au concours Les Trophées de l’Écoresponsabilité des Alliances Françaises en mai 2022. L’objectif était clair : participer à la réintroduction de la nature dans le tissu urbain du centre-ville et proposer un espace de convivialité et d’apprentissage ludique autour du vivant, de la biodiversité et des propriétés des plantes. En décembre 2022, après plusieurs visites techniques et l’installation de barrières de sécurité, la construction du jardin urbain a démarré avec l’utilisation de matériaux recyclés (lampes endommagées pour créer des jardinières, structure métallique provenant d’une ancienne exposition…). Peu à peu, des synergies se sont créées avec différents partenaires. Les premières plantes ont été introduites dans le cadre du Laboratoire Alliances Sonores qui a réuni 19 Alliances Françaises d’Amérique latine et des Caraïbes. Au début de l’année 2023, l’AFM compte sur l’aide de la fondation EPM (Empresas Públicas de Medellín) pour avancer les travaux et des ateliers avec le collectif Tierra y Vida ponctuent le processus d’élaboration de l’espace (dégustation de thés et infusions à partir des plantes médicinales cultivées avec les équipes et les élèves). Bien qu’il y ait un véritable intérêt chez certains membres, le toit reste un espace trop peu fréquenté. Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette latence dans l’activation de la vie du jardin : la forte exposition du toit et la chaleur, l’accès difficile, le processus d’appropriation assez lent et l’esthétique de l’espace qui est encore précaire. Plusieurs aspects sont donc à améliorer pour assurer la suite du projet mais celui-ci a eu le mérite de susciter la curiosité et l’intérêt, notamment au sein de l’équipe.
D’autres actions ont été réalisées durant toute cette année : animation d’un club de conversation chaque semaine autour de thématiques environnementales et sociales contemporaines, interventions en classe et activités pédagogiques (élaboration d’affiches de sensibilisation, serious games en français…), création d’un système similaire à celui d’une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture paysanne) avec un commerce bio et équitable, participation au festival engagé contre la déforestation Súmate Al Bosque, actions de sensibilisation avec le collège Montessori dans le cadre du prolongement du Défi pour la planète.
Le Défi pour la planète est un concours inter-écoles initié en 2022 avec cinq collèges de la vallée d’Aburrá. Le but était de les mettre au défi de créer des projets qui promeuvent la protection de l’environnement dans leur établissement grâce à des idées innovantes et effectives. Aussi, les participants ont enregistré une vidéo dans laquelle ils présentaient leurs actions. Les participants se sont retrouvés au Musée de l’Eau en juin 2022 pour participer à une journée d’activités et de sensibilisation avec la participation de plusieurs institutions françaises et internationales, ainsi que pour choisir la meilleure vidéo et donc le gagnant du concours.
Pour remercier l’implication des élèves, divers ateliers ont été organisés. Plusieurs interventions de l’Area Metropolitana del Valle de Aburrá ont eu lieu en classe avec une dimension en français pour présenter le territoire et ses problématiques environnementales. Une journée pédagogique au Jardin botanique à également été réalisée avec 74 élèves du collège Montessori (chasse au trésor en français pour sensibiliser les enfants aux plantes médicinales et visite du jardin en espagnol). L’Alliance envisage une journée de plantation d’arbres en partenariat avec l’entreprise sociale Kinomé et l’ONG Mercy Corps.
L’Alliance de Medellín a fait le choix, depuis 2022, de prioriser une programmation artistique et culturelle faisant écho à l’urgence écologique et aux défis tant environnementaux que sociaux que nous vivons actuellement : la Nuit des Idées a été consacrée à la question des terres agricoles en Colombie, l’Alliance a été à l’initiative de l’invitation de Marie-Monique Robin qui est venue présenter son documentaire La fabrique des pandémies en Colombie, puis au Brésil, un cycle de ciné-débat a été proposé en avril dans le cadre du Jour international de la Terre, etc. Par ailleurs, pour sa programmation annuelle d’exposition, au sein de ses galeries d’art, l’Alliance a lancé un appel à candidatures destiné aux artistes et collectifs locaux dont la démarche artistique et les œuvres questionnent directement notre rapport au vivant. Cette stimulation artistique via des enjeux environnementaux a permis d’identifier des artistes aussi talentueux que conscients du rôle que peut jouer l’art dans la nécessaire transition écologique et sociale, et Medellín est une ville au premier rang duquel les questions démographiques, urbaines et énergétiques sont primordiales pour accompagner le changement climatique en cours. Cet engagement continuera à se traduire par des invitations d’artistes abordant ces questions essentielles, mais aussi par une vigilance accrue sur les formats de ces invitations : il s’agit de privilégier les présences artistiques longues (3 à 4 résidences d’artistes sont prévues pour le reste de l’année) ou encore les tournées nationales voire régionales, permettant ainsi de minimiser l’impact environnemental de ces propositions (même si les conditions nationales ne permettent guère d’éviter les déplacements en avion par exemple).
En termes de méthodologie enfin, une perspective participative a toujours été priorisée. Que ce soit par la réalisation de questionnaires (auto-diagnostic des pratiques, enquête sur la mise en place d’un système de paniers bio à l’Alliance, question du recyclage…) ou par des formes de dialogue plus informelles sur les temps de pause, chaque projet a été discuté, débattu, appréhendé par chacun. À partir des retours et des avis, l’Alliance a pu adapter sa démarche pour ne pas brusquer les équipes et a su répondre aux questionnements et inquiétudes, bien que certaines résistances persistent et que la démarche écoresponsable est encore en cours d’assimilation de manière générale. Tous les projets à destination directe des équipes leur ont été suggéré, proposé à partir de messages de diffusion sur les groupes avec une possibilité d’inscription aux divers ateliers, sans obligation aucune. Au fur et à mesure du temps, de nouvelles personnes se sont jointes aux différents projets.
Pour connaître plus en détail les impacts quantitatifs et qualitatifs, une enquête est en cours de réalisation pour savoir quelles sont les impressions laissés par ce volet et avoir une vue plus globale sur les différents projets afin de s’auto-évaluer. De prime abord, l’Alliance Française constate déjà un intérêt nouveau autour des thématiques et des enjeux environnementaux (notamment auprès des professeurs et de certains membres des départements administratif et pédagogique). Réaliser des projets à destination des équipes est à privilégier pour la suite afin d’alimenter cette curiosité qui émerge peu à peu autour des questions environnementales, encore timide mais naissante. Cette année a été la première graine semée vers un changement de prisme.
En conclusion, cette première année d’expérimentation a nécessairement conduit à des moments de remise en question, parfois d’échecs avec l’avortement de certains projets, mais aussi à de belles réussites. Car, tout ce travail de sensibilisation, toutes ces étapes ont permis d’améliorer notre méthodologie au fur et à mesure et de se concentrer sur l’essentiel. Aussi, éveiller les consciences est un processus qui se travaille sur le long terme et cette année est le démarrage d’un changement de paradigme et de pratiques en douceur. En essayant plusieurs outils et formats en interne comme en externe, l’Alliance Française de Medellín se positionne, à plusieurs niveaux, dans le panorama des acteurs locaux engagés pour l’environnement.
Gabrielle Fery-Luna, coordinatrice écoresponsabilité et Yann Lapoire, directeur, Alliance Française de Medellín