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Inde, Alliance Française d’Hyderabad – Le projet #FrenchForAll : offrir des cours de français certifiants à des élèves issus de milieux défavorisés

Fruit d’une collaboration entre l’Alliance Française de Hyderabad et le Département TSCHE (Telangana State Council For Higher Education), un projet pilote destiné à offrir des cours de français certifiants à des élèves issus de milieux défavorisés va être inauguré fin octobre dans un lycée pour filles à Gathkesar dans la banlieue de Hyderabad (ville du sud de l’Inde qui compte 10 millions d’habitants).

L’objectif est d’offrir une chance à ces jeunes filles de développer des compétences qui permettent d’élargir leur perpectives professionnelles et de retarder ainsi l’âge de leur mariage, souvent hâté par des impératifs économiques dans les milieux marginalisés.

100 jeunes filles vont bénéficier de ce programme sponsorisé pour la première année par TSWREIS (Telangana Social Welfare Residential Educational Institutions Society) et TTSWREIS (Telangana Tribal Welfare Residential Educational Institutions Society). Planifiés sur trois années, ces cours de français couvriront les niveaux A1, A2 et B1 avec des conditions d’accès facilité pour passer les examens DELF. À l’issue de cette formation, l’État du Telangana s’est engagé à verser 2 millions de roupies (environ 25 000 euros) par étudiant afin de soutenir leur projet d’étude dans un territoire francophone.

Parallèlement, la ville d’Hyderabad qui bénéficie d’une coopération décentralisée avec la ville de Bordeaux travaille à développer des partenariats avec l’Alliance Française de Bordeaux et l’Université Montaigne pour favoriser la mobilité étudiante et celle des enseignants entre les deux villes.

L’Alliance Française d’Hyderabad va également former 20 professeurs du Telangana qui seront dédiés à l’enseignement du FLE au sein du réseau TSWREIS qui compte 268 Institutions et 150 000 étudiants. Les entreprises françaises qui maillent le territoire de l’État du Telangana, notamment Safran, ont manifesté leur intérêt dans le soutien de ce projet.

Maud Tyckaert, coordinatrice pédagogique, Alliance Française d’Hyderabad


Qu’est-ce que le TSWREIS ?

Le TSWREIS (Telangana Social Welfare Residential Educational Institution Society) est un département de l’État du Telangana qui existe depuis 35 ans. Sa mission ? Offrir une éducation de qualité, voire d’excellence, aux mineurs marginalisés (vivant en dessous du seuil de pauvreté). Il fédère plus de 250 institutions (écoles, collèges*, lycées, universités) dans l’État du Telangana. J’ai eu l’occasion de visiter trois de leurs institutions (écoles, collèges, lycées, Universités) et je n’oublierai jamais la vivacité, le goût de l’effort et l’enthousiasme des élèves que j’ai rencontrés. TSWREIS encourage aussi grandement les activités sportives et artistiques au sein de ses établissements.

Pour mieux appréhender leur vision, voici une traduction des 10 commandements du TSWREIS. C’est très parlant.

1. Je ne suis inférieur à personne
2. Où que je sois, je peux être un leader
3. Je ferai ce que j’aime, je serai différent
4. Je verrai les choses en grand et je viserai haut
5. Je serai honnête, travailleur et ponctuel
6. Je ne blâmerai personne pour mes échecs
7. Je ne mendierai pas et ne tricherai pas
8. Je rendrai ce que j’ai emprunté
9. Je n’aurai pas peur de l’inconnu.
10. Je n’abandonnerai jamais

La génèse du projet

Il se trouve qu’une des étudiantes de l’Alliance Française d’Hyderabad, titulaire d’un Delf B2, et qui suivait un cours de C1, a donné mon numero de téléphone a deux membres du TSWREIS (donc passionnément animés par les 10 commandements ci-dessus) qui cherchaient à entrer en contact avec une institution enseignant le français. Pavani Ayinampudi et Praveen Mamidala ont débarqué un jour dans mon bureau, m’expliquant qu’ils travaillaient pour le TSWREIS (dont j’ignorais l’existence) et que dans le cadre de leur mission, consistant à offrir aux plus démunis une éducation qualitative, ils pensaient à introduire des langues étrangères dans leur CV, notamment le français. La raison ?

– Il faut avoir en tête que la plupart des Indiens rêvent de poursuivre des études supérieures en Angleterre ou aux États-Unis (la diaspora indienne issue du Telangana est majoritaire aux États-Unis) – C’est le Sésame pour une carrière réussie. Tout le monde ou presque a un oncle en Amérique… Mais les études aux États-Unis sont coûteuses et la plupart des étudiants doivent s’endetter sur des années.

– Avec l’ambition clairement affichée par le président de la République française (attirer 20 000 étudiants indiens d’ici 2025), des frais de scolarité bien inférieurs à ceux pratiqués par les États-Unis, et une communication efficace, la France commence à attirer de plus en plus d’étudiants indiens (globalement l’Europe se dessine peu à peu comme une alternative dans l’imaginaire des étudiants indiens).

– La plupart des Indiens sont polyglottes, (dialecte local, hindi, anglais)…. La maîtrise du français pourrait devenir au Telangana une vraie opportunité pour élargir leurs perspectives professionnelles notamment grâce à l’implantation d’entreprises françaises dans l’État (Decathlon, Safran, Cap Gemini, sirop Monin, Parfums Mane…)

– Soutenir les étudiants marginalisés a un coût pour le gouvernement, et l’équation est rapidement faite, favoriser des études en Europe permet d’en aider davantage. La précarité économique hâte souvent le mariage. Le TWSREIS souhaite prolonger la durée des études des filles pour leur offrir plus de liberté. La non maîtrise du français n’est pas pénalisante pour des étudiants qui peuvent se permettre des études en France en contractant des crédits. Ces familles démunies ne peuvent se permettre ce genre de rêves et ne peuvent compter que sur une motivation et des résultats scolaires exemplaires pour bénéficier de bourses. Le TSWREIS s’est engagé à permettre aux volontaires qui étudient le français pendant 3 ans (les cours sont payés pour le moment par le TSWREIS) à offrir une bourse de 20 lakhs aux étudiants ayant validé leur DELF B1 (ou B2, pas encore certaine sur ce point) afin de poursuivre leurs études en France. Nous travaillons parallèlement avec notre coopération décentralisée à Bordeaux pour favoriser la mobilité étudiante entre nos deux villes mais aussi avec les entreprises françaises qui maillent le Telangana comme éventuels incubateurs pour favoriser l’emploi de ces jeunes filles sur place.

Qui est concerné par ce projet pilote ?

Le projet pilote concerne 75 jeunes filles de première année du collège* de Gathkesar (à 60 km d’Hyderabad) qui dépend de TSWREIS et 25 filles de première année d’un collège à Medak (80 km d’Hyderabad) qui dépend de TTWREIS (Telangana Tribal Welfare Residential Educational Education). Ces institutions sont éloignées du centre ville, pour des questions de coûts du terrain, ce sont toutes des boarding schools. Les étudiants y résident à l’année.

Lors de la réunion d’orientation en ligne que nous avons organisée avec ces deux antennes, plus de 500 étudiantes étaient présentes. Ce projet pilote ne peut concerner que 100 étudiantes (mais la demande est bien supérieure). La sélection des étudiantes se fait pas le département TSWREIS qui observe les résultats scolaires des années précédentes. C’est donc une selection par le volontariat d’abord et par le mérite ensuite

Elles auront une heure de FLE en ligne 5 jours par semaine et deux heures le samedi en présentiel (pour revisiter les acquis de la semaine sous forme d’ateliers, introduction a la culture française, visionner des films, chansons françaises, etc). La méthode utilisée sera Cosmopolite de Hachette FLE car le but est d’assurer un enseignement de qualité qui suit la méthode préconisée par le CECRL. 5 à 6 professeurs de l’Alliance Française d’Hyderabad sont mobilisés sur ce projet (novembre 2022).

Afin que le français trouve sa place dans l’emploi du temps de ces institutions, il remplacera pour ces 100 étudiantes le Telugu en tant que deuxième langue.

Parallèlement nous allons former 20 professeurs locales du réseau (10 pour TSWREIS et 10 pour TTWREIS) sur 3 ans pour leur apprendre le français et nous leur offrirons des cours de méthodologie afin qu’elles puissent ensuite devenir professeurs de français au sein de leur réseau respectif. Le but étant que leur réseau puisse déployer ses propres professeurs d’ici 3 ans sans dépendre de l’Alliance Française pour l’enseignement du français (l’Alliance restera un centre de formation continue pour le réseau mais pour des raisons financières, le réseau doit se rendre indépendant). Nous nous en remettons à la maxime de Confucius : « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson ».

Des chiffres sur l’âge du mariage des jeunes filles en Inde ?

La réponse dépend du contexte (géographique, économique), on ne peut pas généraliser, mais dans le contexte de ces jeunes filles issues de milieux défavorisés, le mariage est encore souvent une issue pour se garantir un toit à défaut d’alternative, cependant et j’insiste sur ce point, la volonté gouvernementale est bien de sortir de ce schéma.

Quels sont les pays francophones où iront ces jeunes filles ?

C’est la France et le Canada qui restent les pays francophones les plus prisés.

Pour conclure, à ma connaissance c’est la première fois que le français est enseigné au sein d’établissements scolaires pour un public marginalisé ici au Telangana.

Maud Tyckaert, coordinatrice pédagogique, Alliance Française d’Hyderabad

Informations supplémentaires :

* Ce que l’on appelle collège ici en Inde, c’est l’Université qui peut commencer dès les classes 11 et 12 (ce qui correspond en France aux classes de première et de terminale en lycée)

L’État du Telangana compte 35 millions d’habitants

TSWREIS>> https://www.tswreis.ac.in
TTWREIS>> https://www.tgtwgurukulam.telangana.gov.in/about.html