Depuis la publication des résultats du concours international de la Plume d’Or, tous les projeteurs se tournent vers le réseau culturel franco-haïtien pour saisir des images de l’Alliance Française des Cayes. Cette institution, créée en 1938, est une association de droit local très fortement investie dans la promotion de la langue française, de la diversité culturelle et des cultures francophones. Logée dans une ancienne maison d’architecture coloniale de deux étages, située en plein cœur de la ville des Cayes dans le sud du pays, elle y reçoit chaque année plus de 1 000 étudiants de français et d’informatique. Sa notoriété dans le Sud-Ouest n’est plus à faire avec un corps professoral hautement qualifié constitué de diplômés en Sciences de l’Éducation, en Lettres Modernes et de spécialistes dans l’enseignement du français langue étrangère et seconde.
Comme centre d’attraction culturelle, l’Alliance part à la découverte des jeunes talents, les propulse à travers une programmation hebdomadaire riche et variée : projections de films, conférences, expositions, théâtre ou spectacles de chants et de danse.
Chaque vendredi, son espace culturel « vendredi culturel » accueille des jeunes de tous horizons pour des performances culturelles éparses. Elle est l’une des Alliances du pays à avoir un club de jeunes ambassadeurs formé d’écoliers et d’universitaires, dynamiques contribuant dans la mise en place, la promotion et la réalisation de ses activités culturelles et intellectuelles.
De plus, elle est parée d’une riche médiathèque avec un fond documentaire éclectique destiné à un large public. Son centre de documentation, très fréquenté, est divisé en plusieurs catégories : fonds haïtiens, espaces francophones… Un espace apprenants-enseignants composé de méthodes et de livres spécifiques à l’enseignement et à l’apprentissage du français a été créé. Cet espace permet aux apprenants de partir à la découverte et à la maîtrise de certaines notions pédagogiques relatives à la grammaire, au lexique et à la phonétique. Cette bibliothèque n’est pas seulement fournie en livres car l’installation de Culturethèque, bibliothèque virtuelle, permet aux usagers d’accéder à des supports numériques, à des données en ligne pour actualiser, enrichir et mutualiser leur savoir. D’après les universitaires, l’espace représente une grande source de documentation pour leurs travaux de fin d’études et leur est d’une utilité considérable. Ils sont environ un millier d’adhérents à la fréquenter. Elle a une grande implication dans la vie intellectuelle et culturelle de la communauté cayenne.
Ces dernières semaines, cet espace culturel abonde la chronique depuis qu’une étudiante de niveau C1 a remporté le concours international de la Plume d’Or 2020. Après avoir occupé la 3e place en 2017, son insistance a payé. L’Alliance Française des Cayes, grâce à elle, a décroché la très convoitée première place. En effet, le concours de la Plume d’Or est une compétition linguistique organisée par l’association Défense de la Langue Française (DLF) et parrainée par Mme Jacky DEROMEDY, sénateur représentant les Français hors de France. Ce concours est destiné exclusivement aux étudiants des Alliances Françaises du monde. Il récompense chaque année, à l’occasion de la Quinzaine de la Francophonie, les aptitudes linguistiques et les connaissances francophones d’un étudiant d’une Alliance du monde.
Pour l’édition de l’année 2020, 4 étudiants de l’Alliance Française des Cayes ont été récompensés : en 13e place, LYZIME Pierre Dixon, en 15e position, DORESCA Wilar Tuly et en 17e place, PHAREL Junie Patricia et Frantzie Wendell MONEXILE classée en première place.
Mais qui est la lauréate 2020, Frantzie Wendell Monexile ?
Elle s’appelle Frantzie Wendell Monexile et est âgée de 20 ans. Elle est née aux Cayes et a fait ses études primaires jusqu’au 3e cycle fondamental à l’école Externat St-Joseph, dirigée par les Sœurs de Saint François d’Assise. Puis, Frantzie a fréquenté le Collège Frère Odile Joseph (FIC) de la troisième à la terminale. Là, elle a représenté fièrement le collège lors d’un concours de Miss interscolaire en 2018 (Miss Excelsior) organisé par le collège Saint Jean des Cayes dont elle a été la première dauphine.
Après son baccalauréat, préoccupée par les grandes questions socio-politiques et juridiques relatives à l’équité du genre, elle se lance dans les sciences juridiques à l’UPSAC (Université Publique du Sud Aux Cayes) où elle suit des cours en 2e année.
En parallèle, elle est passionnée par la lecture, la musique, la danse et le volley-ball. À présent, elle se concentre sur ses études universitaires avec un fort penchant pour les langues. Ce qui justifie d’ailleurs sa participation et sa réussite au concours. À noter que la lauréate bénéficiera d’un séjour d’une semaine à Paris au cours duquel elle sera reçue au Sénat et interviendra dans les échanges sur la Francophonie.
En Haïti, la nouvelle a été reçue comme un événement tant les réactions sont nombreuses. Que ce soit au niveau des médias locaux et sur les réseaux sociaux, personne n’est indifférent. Au point que le post émis par l’ambassade de France sur Facebook a atteint plus que 150 000 « j’aime » en deux jours. Le journal Le Nouvelliste, le plus ancien Fraquotidien du pays, a dépêché un de ses journalistes culturels à l’Alliance des Cayes pour une interview avec la lauréate. L’article a paru deux jours plus tard dans les colonnes du journal. Un autre journal du pays, Le National, a fait de même. Même Xaragua Magazine, journal des Cayes, n’a pas chômé.
Depuis, la lauréate fait l’objet d’invitations de toutes parts. Elle vient de participer au 7e webinaire de l’UNESCO avec 7 autres jeunes, sur le thème : Quelle éducation pour quelle société ? Comme beaucoup d’autres entités, l’UNESCO voit en cet événement l’occasion d’engager une réflexion profonde avec les jeunes sur la question de l’éducation en Haïti dans le contexte actuel.
Quant à Frantzie, elle n’a pas caché sa fierté et sa joie de remporter ce concours même si, de l’autre coté, tout cela lui paraissait arriver trop vite. Elle sent peser sur son dos une très lourde responsabilité. Aux yeux de ses amis, ses camarades d’université, du coup, elle est devenue une star.
En somme, elle souhaite que ce prix soit un déclic pour les autres jeunes, une source de motivation à la lecture et à l’apprentissage de manière générale.
Jean Baron Philosca, coordinateur pédagogique, Alliance Française des Cayes