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Exposition Mère, Mères… à l’Alliance Française Bursa, Turquie

Après les Instituts français d’Ankara, Istanbul et Izmir, l’exposition « Mère, mères… » du photographe Lam Duc Hien a été présentée à l’Alliance Française de Bursa avec le soutien de la mairie et en coopération avec l’Institut français Turquie.

Le vernissage a eu lieu le 1er novembre dernier et l’exposition sera visible jusqu’au 1er décembre et étaient présents parmi les nombreux invités : le président de l’Alliance Française de Bursa, M. Mehmet Erbak, l’attaché de Coopération et d’Action culturelle, M. Sébastien de Courtois, La vice présidente de la mairie, et l’artiste de photographe LAM DUC HİEN et les membres de l’Alliance Française. Le vernissage a été ouvert avec une céremanie du piano.

Information sur l’artiste LAM DUC HİEN

« Le Mékong est la mère des fleuves », dit celui qui est né sur ses rives probablement en 1966, avant de connaître l’exil, les camps de réfugiés, un pays d’adoption – la France – et de se construire une identité kaléidoscopique dans les plis et replis de l’exil. Le sien d’abord, puis celui des autres, qu’il photographie sur tous les continents, étant entendu que l’exil n’est pas seulement une affaire de géographies, et parle avant tout d’exclusion, qu’elle soit politique, sociale, économique mais aussi linguistique – ainsi peut-on se retrouver étranger dans son propre pays. C’est ce dont témoigne principalement le travail photographique de Lâm Duc Hiên, « franco-laotien », puisque c’est ainsi qu’il se présente, rejoignant peut-être Cioran dans l’idée selon laquelle « On n’habite pas un pays, on habite une langue » .

Les images de Lâm Duc Hiên s’attachent à rendre une dignité à celles et ceux qu’il refuse de définir par la négative. En RDC comme au Vietnam, au Tibet comme en Haïti, au Laos comme en Chine, en Moldavie comme en Iraq, Lâm Duc Hiên saisit sans jamais les voler les visages, les corps, les mouvements de ces « sans toit », « sans argent », « sans bien », « sans pays », « sans sécurité », « sans voix », et nous les présente au contraire riches de leurs existences et acteurs de leurs trajectoires, dans des contextes où le fait de continuer à vivre constitue en soi un acte de résistance.

Ces visages parchemins nous posent la question.

Ces corps palimpsestes nous racontent une histoire.

Ces mouvements saisis offrent aux silhouettes un peu d’éternité.

Et puis il y a les expressions et la luminosité des regards débordant de vécu, le sang vif de la vie la plus immédiate aux pommettes d’un enfant, les bras d’une mère refermée sur une existence minuscule, le fracas du rire d’autres enfants… et l’on peut presque les entendre, ces rires, ces pleurs de nourrissons et le berceuse fredonnée par la mère, de même que l’on peut presque sentir sa peau se craqueler au vent du désert ou à celui, glacé, faufilé par la brèche d’un coup franc.

C’est que Lâm Duc Hiên fait absolument corps avec ses sujets, qui sont tout sauf des objets, et dont l’histoire n’est peut-être pas sans lui rappeler la sienne. « L’imagination, c’est de la mémoire . Peut-être peut-on en dire autant de la photographie de Lâm Duc Hiên.

Lâm Duc Hiên photographie à hauteur d’Humain, principalement à hauteur de femmes et d’enfants, de mères aussi, souvent. Ce qu’il saisit dans ses portraits, c’est ce que peu de gens parviennent ne serait-ce qu’à voir, et oublient trop souvent : il n’existe d’échelle au monde que celle de l’individu, et c’est lui seul qui intéresse Lâm Duc Hiên, loin de tout misérabilisme. Une guerre n’a de réalité que ses victimes. Une paix se jauge à la possibilité pour un enfant de se rendre à l’école sans se faire abattre. Le reste n’est qu’abstraction politique, intérêt économique, tracés absurdes de frontières qui sépareront bientôt la maison de son puits.

Et lorsque parfois Lâm Duc Hiên photographie une ville, c’est avec un cadrage si resserré sur le caractère inhumain d’un urbanisme que l’on a du mal à nommer comme tel, qu’il n’est toujours question que d’individus. On les devine là, entassés par la folie du monde contemporain, on les imagine vivre dans ces conditions limites de l’humanité – et la suggestion est souvent le plus puissant des langages.

Le travail de Lâm Duc Hiên est de ceux qui éveillent, qui nous réveillent, nous rappelant que tout regard est politique, et qu’il ne tient qu’à nous d’ouvrir les yeux. « Photographe de la nécessité », chacune de ses photos nourrit un dialogue avec celles et ceux que l’on n’entend jamais, trop occupés à vivre dans des contextes qui se résument souvent pour nous à une bande son à la radio, à des images défilant sous nos yeux blasés. Les photographies de Lâm Duc Hiên nous sortent de notre léthargie sans pour autant nous accuser. On ne revient pas coupable de ce voyage dans l’œil de Lâm Duc Hiên. On en revient conscient.

Seniha ÖZTÜRK, directrice, Alliance Française Bursa