À l’occasion des conférences de l’Alliance Française de Bahreïn, le professeur des universités Mohammed Khlifi a animé une conférence sur le langage et le vivre ensemble, le 15 juin dernier.
Le Professeur Mohamed KHLIFI est titulaire d’un Doctorat d’Etat en langue, littérature et civilisation françaises. Il est actuellement Conseiller pour le français auprès du Ministère de L’Education du Royaume de Bahreïn.
Sa conférence a porté sur les langues et le vivre ensemble. Elle se fixe comme objectif de jeter les bases d’un nouveau mode de communication en dépit des obstacles naturels, des frontières géopolitiques, des barrières linguistiques et des bornes de l’esprit qui séparent les hommes et les dressent souvent les uns contre les autres autour d’une ligne de démarcation le plus souvent imaginaire voire fantasmatique.
En aval, le conférencier s’appuie sur une double référence : d’une part sur le rôle fédérateur de la francophonie avec sa “spécificité universalisante” de “puissant vecteur d’ interculturalité” ; d’autre part sur “ l’exception” bahreïnienne qui, à deux reprises, a fait de cet archipel, selon des sondages occidentaux, l’une des meilleures destinations pour les expatriés du monde entier. Un pays où il fait bon vivre et où il est possible de vivre en harmonie avec les autres sur fond de diversité, de tolérance et de coexistence pacifique.
Dans un premier temps, M. KHLIFI a passé en revue les multiples “pathologies de la communication” ( ignorance, méfiance, autarcie, frilosité, hégémonie d’une langue, glottophobie, mépris de la langue de l’autre, escalade et emballement linguistique, décalage entre le mot et l’intention, hypocrisie, mots qui fâchent, séparent, stigmatisent, excluent et aliènent…) qui génèrent les malentendus entre les individus et même entre les nations.
Dans un deuxième temps, l’orateur a proposé des scénarii pour une meilleure compréhension mutuelle. Certes, affirme-t-il, il existe un scénario qu’il a qualifié d’utopique et qui consiste à instituer un multilinguisme tous azimuts en réhabilitant tous les parlers régionaux et tous les idiomes en voie d’extinction ou encore en pratiquant cette langue universelle (esperanto) sur fond de fusion sans bornes et d’ osmose aux accents idylliques.
Mais, conscient du caractère idéaliste de cette entreprise, il propose de se rabattre, en raison des représentations stéréotypées qui puisent à l’Arsenal des vieux clichés, sur une solution médiane. Celle qui se tient à la même distance du monolinguisme, toujours réducteur, et du plurilinguisme difficile.
Ce scénario qualifié de « réaliste » consisterait, à l’instar de la démarche adoptée par l’Unesco, à favoriser, à l’école comme en société, l’apprentissage de 3 langues tout en encourageant la traduction, la communication par les arts, l’emprunt lexical à travers les mots voyageurs…Sans oublier, nous recommande le conférencier, le rôle fondamental des pratiques pédagogiques argumentatives et interactives dans la lutte contre ces malentendus parfois tragiques. Il s’agit notamment de relativiser les points de vue et de décentrer le regard grâce entre autres à la comparaison, au jeu de rôle qui peut aller jusqu’à l’ethnologie à l’envers… Autant de mécanismes empathiques qui permettent en « huilant la machine » d’instaurer un monde meilleur fondé sur le respect de la différence, l’ouverture, la tolérance et la modération. Le tout sur la base d’une grande vérité hélas souvent méconnue: le caractère dérisoire de ces “petites différences” au regard de la foncière et solide fraternité entre les hommes.
Propos du Dr Mohamed Khlifi, recueillis par Leïla Sanhaji (Alliance Française de Bahreïn)
Légendes des photos :
Conférence « Langage et vivre-ensemble : Se parler pour mieux s’entendre » par le Dr. Mohamed Khlifi à l’Alliance Française de Bahreïn, le 15 juin 2019