Le projet “ Une Politique culturelle pour Chiclayo, una ventaja al desarrollo? ”, impulsé par l’Alliance Française de Chiclayo, s’est déroulé à Chiclayo (Pérou région Lambayeque) du 28 au 30 avril 2017. Intégrant sous forme de tables rondes les différents corps artistiques, de l’audiovisuel aux arts de la scène en passant par l’archéologie, il a rassemblé plus de 100 personnes autour de 50 spécialistes nationaux, collectifs et institutions culturelles.
Initiant une réflexion sur la place de la culture dans la ville et la région, cet événement fut également l’occasion d’explorer les retombées tant sociales qu’économiques d’un développement culturel. Mené en collaboration avec l’Institut de la culture de l’Université Catholique (USAT), la sous-délégation pour l’Éducation, la Culture et le Sport de la municipalité de Chiclayo sous la houlette de Yohann Turbet Delof délégué général de la Fondation Alliance Française au Pérou, et ancien directeur de la culture à Versailles, c’est un projet ambitieux et multidisciplinaire qui a été présenté au grand public.
Durant cette rencontre nous nous sommes attachés à considérer la culture comme un droit pour tous, un droit humain. Bien qu’inscrit à l’article 22 de la déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, la situation régionale trahit le manque de politiques publiques culturelles et de mise en application des principes posés par le ministère de la culture péruvien.
Quatrième ville du pays en termes d’habitants, Chiclayo est grande ville commerciale en voie de développement au nord du Pérou. Pour autant cette ville ne compte qu’un unique cinéma, aucune formation universitaire ou école d’art et seulement une scène publique en état, les autres auditoriums étant privés et non accessible à tous. Alors que 70 % des habitants habitent en périphérie, ces seuls lieux de rencontres et institutions culturelles sont situés en centre-ville.
La situation du patrimoine archéologique est représentative des réalités locales. Il constitue le fer de lance de la richesse culturelle et historique dans cette région de grande civilisation précolombienne dont la civilisation Moche, la plus ancienne du pays. Pour autant nous constatons que des sites entiers, tel que celui de Ventarrón sont laissés à l’abandon. Les édifices urbains suivent le même processus, et leur délabrement ne provoque aucune réaction. Les autorités préfèrent en effet investir dans d’autres projets, se soumettant leurs intérêts personnels. Nous déplorons à ce sujet le manque d’action des acteurs privées qui ne considèrent pas non plus les retombées directes en terme d’image, ou indirectes de ce levier économique. À ce constat nous ajouterons le cruel manque de formation universitaire de “gestion culturelle” et de professionnels bien formés, capables d’appréhender et répondre aux besoins de la population. Le manque de fonds, d’espace et de considération ne permet de vivre de ce métier pourtant nécessaire à l’élaboration d’une offre culturelle de qualité. Ainsi, c’est toute l’inertie de ce système à laquelle nous nous attaquons pour impulser un cercle vertueux tant pour les collectifs artistiques que pour les citoyens.
Face à l’inaction des autorités, la société civile doit se réorganiser pour réclamer ses droits et les infrastructures nécessaires à son développement. Nous souhaitons dans nos événements amener les collectifs et associations à reconsidérer leur rôle, et à s’unir pour monter un projet de développement culturel sur le long terme.
Construire une politique culturelle n’est pas un acte isolé mais un projet global affectant l’urbanisme, la sphère éducative, la place des citoyens et leurs interactions au sein de cette communauté.
Suivant cette réflexion, la riche et première rencontre d’avril 2017 a permis de dégager trois thèmes principaux :
Tout d’abord, le thème de l’interculturalité avec ces problématiques : comment prendre en compte la diversité culturelle ? Comment démocratiser l’accès à la culture sans tomber dans la diffusion d’un modèle culturel unique ?
Concernant la question de l’espace public, nos invités se sont accordés sur la nécessité de repenser la ville et son accès. Plus qu’un espace fonctionnel il faut dans ce contexte en faire un lieu de rencontre, de dialogue et de création. Mais aussi mettre en place des espaces tangibles et virtuels ouverts et adaptés pour les artistes et leurs publics.
Finalement : le rôle de la participation citoyenne dans le processus d’élaboration de cette politique culturelle. Il s’agit d’un réquisitoire absolu dégagé par nos invités : tout développement culturel doit surgir des habitants et ils doivent en être les premiers bénéficiaires.
Le bilan positif de cette première édition et les initiatives qu’elle a inspiré, nous amène à renouveler cette aventure et à réinvestir Chiclayo avec des artistes et spécialistes nationaux et internationaux.
Cette seconde édition qui prendra forme en novembre 2017 sera l’occasion de dégager des mesures concrètes tangibles pour Chiclayo et le Pérou avec l’écriture d’un manifeste. Elle sera dirigée par des invités prestigieux : Yohann Turbet Delof délégué général pour l’Alliance Française au Pérou et Cristian Venegas, directeur de la plateforme de contenus créatifs Caja Cerebro, coordinateur culturel de la Mairie de Renca au Chili et vice-président de l’Association Nationale de gestionnaires culturels du Chili, avec la participation du collectif péruvien Antropoceno.
Nous sommes heureux d’accueillir une seconde fois ce projet d’envergure, ouvert au grand public, qui s’étendra sur deux semaines d’enquêtes de terrain et de débats jusqu’au terme du processus d’élaboration du manifeste : sa présentation et remise aux autorités locales. De manière à financer ce projet une campagne de crowdfunding a été initiée par l’Alliance Française de Chiclayo.
(sur la photo de gauche à droite : Guillaume Oisel, directeur af Chiclayo et Yohann Turbet Delof, Delegue general des af du Perou)
Laura Ayech, responsable de la culture à l’Alliance Française de Chiclayo, avec la collaboration de Gabrielle Bernoville, assistante de direction, Sciences Po Toulouse