Le cinéma français a sans aucun doute un avenir et un public fidèle au Pakistan. Deux événements révélateurs de ce phénomène ont eu lieu dernièrement dans les trois villes qui accueillent une Alliance française (Karachi, Islamabad et Lahore). L’idée était de proposer au public en général deux productions françaises en présence des auteurs et ainsi de promouvoir des échanges suite à la projection des œuvres traduisant un regard français posé sur des réalités particulières du sous-continent indien.
La première manifestation eut lieu à l’École Nationale des Beaux Arts de Lahore, le 19 novembre avec le film « Noor », sorti en France en avril dernier. Œuvre de Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti, tous deux amis du Pakistan, frappés par la cinégénie du pays. Les cinéastes ont eu recours à des interprètes non professionnels, aptes à transmettre leur propre expérience à l’écran. Ils abordent ainsi le délicat sujet et encore peu discutable de la vie d’un ancien membre de la communauté des transgenres « les Khusras », désireux d’abandonner ce monde pour redevenir un homme, et ainsi se réhabiliter dans une société traditionnelle et figée.
C’est donc en présence des acteurs pakistanais, des deux auteurs et du public présent qu’eut lieu pour la première fois à Lahore la projection très appréciée de ce film. L’auditorium de l’école fut rempli et le public conquis et touché, remercia chaleureusement cette approche française inhabituelle et si peu commune sur une vie intense, émouvante, inattendue et localement si peu considérée.
Noor (lumière en arabe) a incarné lors de cette soirée la volonté d’émancipation et la résistance de l’altérité dans une société toujours aux relents castiques. Il est aisé de comprendre que plusieurs spectateurs aient vu dans cette œuvre un véritable conte moderne et un appel au respect de la dignité.
Le deuxième lieu qui ait pu éprouver les vives émotions des passions sous le regard d’une caméra française est le Royal Palm and Country Club de Lahore qui, avec l’Alliance française le lendemain, dans le bel Audiplex 3, offrit «Son Epouse » de Michel Spinosa (sorti en France en mars 2014). Gracie, une jeune tamoule originaire de Madras, est victime de troubles du comportement depuis son mariage. Michel Spinosa a cette fois encore après « Renoir » (sorti en 2013), ému un public inhabituel et surpris par le fait de voir traité le thème de la possession par un auteur français, prouvant que le deuil, la drogue et les souvenirs sont de parfaites expressions de cette dernière.
Regards français, sur des réalités complexes, peu familières mais regards éclaireurs et capables de mettre le doigt sur des situations extrêmes, exceptionnelles et déroutantes. Regards qui ont enchanté des locaux souvent fascinés de voir des étrangers épris du Pakistan ou de l’Inde et passionnés au point de toucher des aspects sensibles, non traités et souvent tabous.
Belle contribution française –permise une fois encore par l’étroite collaboration entre le service de Coopération et d’Action culturelle de l’ambassade de France et les Alliances-, et belle rencontre destinée à se reproduire de façon plus systématique dans le Penjab, désireux de voir les autres parler de lui.
Dominique Scobry, directeur, AF de Lahore